1 mars 2023
L’avenir de la pharmacie d’officine tourné vers le service
La loi HPST (Hôpital, Patient, Santé, Territoires) du 21 Juillet 2009 ou loi Bachelot (au nom du ministre de la santé de l’époque Roselyne Bachelot, pharmacienne de métier) est un tournant pour la branche officinale et l’avenir de la pharmacie. Avec une définition plus précise du champ d’application de l’expertise pharmaceutique, les pharmaciens titulaires se voient intégrés dans les activités de soins.
Depuis une dizaine d’années, de nouvelles missions apparaissent régulièrement dans les pharmacies afin d’améliorer le parcours de soins des patients.
Quelles nouvelles missions pour le pharmacien ?
1. Les soins de premiers secours comme définis dans le code de santé publique
- Prévention, dépistage, diagnostic
- Dispensation, Administration de médicaments et conseil pharmaceutique
Les pharmaciens d’officine peuvent désormais pratiquer des tests de détection tels que le test rapide d’orientation diagnostique des angines streptococciques (TROD), les tests de dépistage de la grippe, du diabète, du COVID19.
2. La Coopération entre professionnels de santé au sein des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS), des Maisons de Santé Pluridisciplinaires (MSP)
En intégrant les équipes médicales, le métier de pharmacien s’oriente de la plus belle des manières vers un avenir dans l’accompagnement des patients.
3. L’éducation thérapeutique via les entretiens pharmaceutiques et le bilan de médication
Ce type d’accompagnement oriente les pharmaciens vers une nouvelle façon d’exercer leur métier, un nouvel enjeu pour la pharmacie de demain. En prolongeant le conseil officinal au-delà du simple fait de délivrer une ordonnance, ils permettent aux patients de bénéficier d’une meilleure connaissance de leurs pathologies et de leurs traitements.
4. Être le pharmacien-référent d’un établissement qui ne dispose pas de pharmacie à usage intérieur
En collaborant avec les établissements de type EHPAD, il s’assure de la bonne dispensation des traitements et médicaments mais également participent proactivement à limiter l’iatrogénie médicamenteuse chez des personnes en perte d’autonomie.
5. Être le pharmacien correspondant dans le cadre d’un exercice coordonné (CPTS, MSP)
A ce titre, il peut, à la demande du médecin ou avec son accord, renouveler périodiquement des traitements chroniques et ajuster, au besoin, leur posologie.
6. Dans le cadre de « Ma Santé 2022 », les pharmaciens peuvent proposer de nouveaux conseils et nouvelles prestations
Des prestations destinées à favoriser l’amélioration ou le maintien de l’état de santé des personnes en délivrant des médicaments listés dans les recommandations de la HAS. A l’heure actuelle, les protocoles validés sont le renouvellement du traitement d’une rhino conjonctivite, les prises en charge de la pollakiurie de la femme, l’odynophagie de l’enfant de 1 à 12 ans et l’éruption cutanée vésiculeuses prurigineuse de l’enfant de 1 à 12 ans.
7. La vaccination de la population
Après une phase test réussie en 2017, les pharmaciens sont habilités à vacciner contre la grippe. L’autorisation de la vaccination par les pharmacies contre le Covid 19 a été l’une des mesures phares de la stratégie de lutte contre la pandémie. Depuis de nombreux autres vaccins peuvent être administrer au sein des officines pour les plus de 16 ans (DTP-Ca, Papillomavirus, Hépatite A, Hépatite B, Pneumocoque, Méningocoque, Rage).
8. La téléconsultation
Avec la désertification médicale de certains territoires, des cabines de téléconsultation apparaissent dans le paysage du patient. Elles sont présentes principalement au sein des pharmacies d’officine et permettent au patient d’obtenir une prescription médicale.
Ces nouvelles missions novatrices complémentaires à l’activité du médecin généraliste ont revalorisé l’image du métier de pharmacien d’officine auprès des malades mais également auprès des pouvoirs publics. Un bon point pour l’avenir de la pharmacie.
D’ici à 2030, les services associés à la délivrance ne feront qu’augmenter pour palier au déficit en professionnels de santé et également aux ruptures de traitements médicamenteux. L’officine de demain devra répondre à un enjeu démographique qui est le vieillissement de la population. D’ici à 2050, la population âgée de plus de 65 ans aura presque doublé. Source : OMS
Comment s’organiser pour la pharmacie de demain ?
Evolution de l’officine : entre espace de santé et espace vente
La pharmacie s’est toujours organisée sur les fondamentaux d’un magasin. Seule la délivrance de contention veineuse et de matériels orthopédiques s’est faite dans des zones de confidentialité exclusivement consacrées à ces spécialités. La politique commerciale des laboratoires pharmaceutiques dirige les planogrammes d’implantation de produits à l’arrière des comptoirs et au sein de l’espace de vente en libre accès pour les patients.
Les établissements pharmaceutiques ont besoin de se libérer de ces contraintes commerciales et de permettre d’accueillir les patients dans des zones médicales dénuées d’approche marketing. Ils ont besoin de s’agrandir ou de remanier leur espace vente pour proposer ces nouveaux services que la population demandera.
L’équipe officinale experte de son domaine d’activité
Plus la liste des nouvelles missions s’allonge, plus il est complexe pour une équipe d’appréhender correctement toutes les spécificités de chaque service. Le professionnel de santé a besoin d’évoluer au même rythme que son établissement vers les services de santé. Il faut qu’il ait suffisamment de temps pour se former. Toutes les tâches de gestion d’entreprise doivent être laissé à des collaborateurs de formation non médicale. Les stratégies de recrutement doivent évoluer de la parte des pharmaciens titulaires.
Avenir pharmacie : la fin des petites pharmacies ?
Il est certain qu’en diversifiant l’offre médicale et en créant de nouveaux services, les besoins humains et financiers seront nécessairement plus importants. Nous voyons le nombre de transfert ou de regroupement d’officines progresser considérablement lors de ces dernières années.
Ce n’est pas la fin à proprement parlé des petites structures. Elles doivent simplement suivre l’évolution du modèle économique officinal qui n’est plus basé exclusivement sur la délivrance de médicament mais sur la prise en charge médicale globale de la population.
Services de livraison de médicaments : Amazon en ligne de mire ?
Pour les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), la santé a toujours été un de leurs objectifs. Amazon est la société la plus active dans ce domaine aux Etats-Unis. Avec un service de livraison de médicaments à domicile en relation avec un pharmacien disponible en visioconférence 24h/24h, l’ubérisation du secteur est en cours. Si le maillage officinal n’est pas en mesure de répondre correctement aux nouveaux besoins des patients et à l’équilibre économique de la branche santé du pays, tout est possible.
En créant des pôles d’excellence avec des équipes expertes à travers tout le pays, il y a fort à penser que la place d’Amazon n’aura que peu évolué d’ici à 2030.
Avenir pour la pharmacie d’officine : horizon 2023
La pharmacie comme on l’a connu dans les années 1980 n’existera quasiment plus.
- Les équipes officinales seront aux services des patients. Leur expertise médicale sera mise en avant quotidiennement. Les aspects logistiques et administratifs des officines seront soit gérés en interne pas des personnes spécialisées, soit externalisés au sein de plateforme locale comme cela peut déjà exister.
Pour se faire, le management aura enfin la place qu’il mérite au sein de la profession de pharmacien. La professionnalisation des ressources humaines permettra de redonner de l’attractivité à la branche officinale avec des perspectives de carrières pour l’ensemble des collaborateurs.
- Les pharmacies à l’avenir seront un mix entre des centres de soins permettant de prendre en charge la population dans sa globalité et des magasins au service du marketing des laboratoires de parapharmacie.
- Les innovations technologiques permettront de gagner du temps sur les axes administratifs et d’appréhender au mieux les contextes médicaux des patients. La place du digital aura une importance cruciale pour le bon fonctionnement des officines et sera donc indispensable.
L’avenir de la pharmacie est donc réservé à des entrepreneurs de la santé qui auront le dynamisme pour faire bouger les lignes afin de garder l’intégrité du maillage officinal tant convoité par la grande distribution et par les géants du web.
Article écrit par Etienne Gatignol
Merci pour vos estimations concernant la pharmacie de demain.
Il est important de rappeler tout de même que la pharmacie ne pourra pas palier au manque de médecins par le simple fait que le pharmacien n’est pas habilité à prescrire, même si, actuellement, on parle de prescription de vaccins, ces derniers figurent dans l’agenda du carnet de vaccination et cet acte ne correspond pas à une prescription médicale contrairement à ce qui circule sur internet.
Il est temps que les études de pharmacie évoluent, le docteur en pharmacie diplômé est clairement sur-qualifié pour l’officine et il effectue à quelques stupéfiants près, exactement le même rôle que la préparatrice, ce qui est visible sur la fiche de paie, à peine 700 euros de plus mensuellement pour un pharmacien vs une préparatrice.
Ce qui maintient le pharmacien hors chômage est stipulé côté juridique:
1 pharmacien par tranche de 1.3M de CA.
La corrélation nombre de diplômes et CA n’a pas de sens pour la santé publique, car l’impact du pharmacien d’officine sur la santé publique est négligeable selon plusieurs rapport médico-économique, il est simplement le garant de la délivrance, d’où une moyenne de 48% de marge réalisée sur les honoraires de dispensation.
– Le pharmacien détient-t-il un rôle indispensable dans le système de soin ?
Oui, le pharmacien engage son diplôme et sa conscience personnelle pour assurer le bon fonctionnement de sa pharmacie.
Les réelles questions qui se posent pour la pharmacie de demain sont pour ma part les suivantes:
– Pourquoi manque-t-on de pharmaciens ?
R1: D’après un recensement, il manquerait 10-15k de postes pour pharmacien adjoint.
A peu près 10k de pharmaciens travaillent en industrie car les conditions de travail et l’évolution de carrière sont plus saines qu’en officine (8h par jour vs 10.5h, chaises pour s’asseoir, pauses dej 1h-2h vs 30 mins à 1h, RTT, intéressement, mutation à l’étranger …) Il ne manque donc pas de pharmaciens contrairement à ce que l’on laisse présager.
– Quels sont les leviers permettant de rendre attractif la filière de pharmacie ?
R1: Reconnaissance de la profession par la possibilité de prescription médicale au comptoir pour des affections mineures (douleurs articulaires, douleurs dentaires, blessures, infections bactériennes, …) Probabilité très faible due aux régulations en France (politiques, lobbys médecins …), le pharmacien connait très bien les médicaments qu’il délivre, la preuve est que le médecin, lui même, venant chercher ses médicaments demande régulièrement conseil au pharmacien pour optimiser l’efficacité ou autres selon le scénario. C’est donc un conflit d’intérêt médecin-pharmacien qui fait que le pharmacien ne sera pas autonome dans le fonctionnement de sa propre pharmacie pour le traitement de pathologies qui ne dépassent clairement pas ses capacités.
R2: Réduire le nombre d’années d’études pour la filière officine, le pharmacien n’a nullement besoin de connaissances pointues telles que; la biodisponibilité, la pharmacodynamie, la technologie pharmaceutique, la sémiologie,… au comptoir.
Supprimer tous les cours qui ne servent à rien, le BP est clairement mieux élaborée que notre cursus.
R3: REVALORISER LES SALAIRES: coefficient 600 qui est le revenu moyen du pharmacien adjoint correspond à 2800 euros net d’impôt, inutile de pointer le doigt ailleurs, aucun étudiant ne se dirigera vers ce métier avec autant d’années d’études, peut être 3 ans mais pas plus, sachant que le pharmacien adjoint est de « garde » un samedi sur 2 et travaille 10.5h par jour en moyenne. Le salaire de l’infirmière est presque le même que celui du pharmacien adjoint, sans aucun jugement concernant cette profession médicale indispensable.
R4: Reconnaître directement les diplômés étrangers francophones: les docteurs en pharmacie francophones seront ravis de pouvoir exercer le métier en France, ce qui a été avancé comme une potentielle solution par l’Ordre des Pharmaciens.
Très mal perçu par la société (police de la délivrance, commerçant de médocs) et mal rémunéré au vu de ses études, le pharmacien adjoint stagnera tout au long de sa carrière sans avoir l’opportunité de vivre une vie sympathique, voilà la réalité du terrain.
NB: Dans ce monde, il existera toujours une personne pour faire le sale travail.